Nos admirées
“7 femmes”
Lydie Salvayre (onlalu.com)
Emily Brontë, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Colette, Sylvia Plath, Ingeborg Bachmann, Djuna Barnes… Sept écrivains. Sept pierres tombales que Lydie Salvayre, tambour battant, descelle et passe au karsher. Soufflant la vie sur leurs glorieux linceuls, elle réanime les femmes de chair au cœur de l’œuvre. Et, par son talent, rend vivants leurs célèbres visages, leurs regards posés sur nous. Sept œuvres dont elle décrit l’influence au fil de sa propre vie littéraire, de sa vie tout court, et en cela partage une expérience qui ne manque pas de résonner pour nombre d’entre nous. Sept “folles” qui ont en commun l’écriture au centre de leur existence, pour le meilleur et pour le pire. La force et la beauté du texte pour le meilleur, la tragédie de vivre pour le pire. Peut-on écrire et vivre ? En sont-elles mortes ? Lydie Salvayre a-t-elle pensé à Barbe Bleue, en choisissant de rendre la vie à ces sept épouses ? De folles, elles deviennent “allumées” quelques lignes plus bas, le choix de l’expression projetant la question dans notre époque. Où il n’y a plus à choisir entre coudre des boutons ou être excommunié. Peut-on écrire et vivre : était-ce la question qui tourmentait Lydie Salvayre l’année où le goût d’écrire l’ayant quitté elle s’est tournée vers ses “admirées” ? Chacune à sa manière y répondra : Sylvia douce et inquiète, Colette sceptique, Djuna dubitative, Ingeborg pensive, Tatiana résignée, Emily indifférente, Virginia réservée, le sourire de politesse. Sept variantes, droit dans les yeux, pour une même évidence que paraphe avec fougue Lydie Salvayre. “L’œuvre est l’existence. Ni plus, ni moins.”
Autrement dit
“L’Inédit” Carnets intimes
Marie Cardinal (onlalu.com)
Elle tape à la machine, comme le confirment les pages dactylographiées qui scandent le livre, pages choisies et arrachées de son journal intime, journal de bord de la difficulté d’écrire, de la difficulté d’y croire. De la désespérance parfois, mais aussi de la joie devant la beauté du monde. Les filles de Marie Cardinal, disparue en 2001, ont rassemblé des fragments de textes d’époque et de natures diverses, éclairant la trame d’une vie de femme engagée dans sa vie d’écriture. Hormis les extraits datés de son journal, on y trouve une interview d’elle-même par elle-même, exercice au long cours dont la mécanique trouble et ravit. Celle-ci est entrecoupée de textes en italiques, fictions, souvenirs, fragments d’histoires, morceaux d’images qui entêtent comme le parfum des giroflées sauvages dans le jardin de la bastide où se livre le face à face de l’écrivaine avec elle-même, un dialogue, parce que “le monologue me tue”. Sur un clapot léger “L’inédit” vogue à travers les lieux et les époques, l’Algérie natale, la nostalgie de l’enfance, la Provence et Paris, plus tard le Canada, les voyages et les luttes. Le bonheur d’une vie dans toute sa complexité, comme elle l’écrira si bien: “Le bonheur. Le bonheur à six branches, à deux têtes, à sept queues. Ce mot dans ma tête. Il vrombit, il grince, il s’enraye comme une perceuse.”
Formule magique
“Manifeste de Dingdingdong”
Alice Rivières (onlalu.com)
Ding dingue dong ! Trois notes légères pour un sujet très grave, et un écrivain apparaît. Alice Rivières, signe avec ce premier texte, ce “Manifeste du Ding Ding Dong”, un témoignage rare et précieux. Il était une fois trois sœurs : Alice la plus jeune a trente ans lorsqu’elles comprennent que leur mère s’enfonce dans une maladie irréversible dont on ne parle pas, mais dont on sait vaguement qu’elle “traîne” dans la famille : la maladie de Huntington mieux connue par son syndrome aux échos moyenâgeux, la danse de Saint Guy. Une affection neurologique incurable dont le porteur du gène sait avec certitude qu’il développera la maladie, sans savoir quand ni comment, entre trente et cinquante ans selon les statistiques. Une maladie pour laquelle la médecine moderne dispose d’un test génétique, mais rien d’autre : la révélation engendrant la malédiction. Pendant dix ans, jusqu’à ce que la maladie l’envahisse, la mère d’Alice cachera à ses filles qu’elle se sait porteuse du gène. “Vous dire une choses pareille alors que vous aviez vingt ans et des poussières…” Alice et ses sœurs confrontées à la vérité de “cette affaire”, se trouveront alors devant le terrible dilemme de faire ou ne pas faire ce test. Un tragique histoire de pile ou face. Et Alice sait que, si elle ne le fait pas, elle sera hantée par le doute comme une maison perturbée nuit et jour par un fantôme très encombrant. C’est de l’extraordinaire effroi de cette traversée que naît le Manifeste de Ding ding dong dans lequel Alice, fée Clochette à l’assaut des “formules tragiques” créé un sillage vivant qui élabore le pari que la maladie de Huntington soit l’occasion de “faire pousser la pensée”. Un manifeste pour fédérer une constellation d’individus animés par la même tension vitale à fabriquer quelque chose qui n’existe pas encore. Ding dingue dong ! Trois notes comme trois sœurs, leur conjuration sonore quand elles ont trop peur de dire Huntington. Mais aussi, ding dingue dong ! Quand elles veulent en rire. Ou lui faire peur. NB. Si vous voulez en savoir plus sur l’association qui suit cette maladie, allez visiter leur site www.dingdingdong.org